Il y a d’abord un flegme. Une élégance, presque anglaise. Un pantalon qui tombe juste, la coupe d’un manteau, le choix d’une matière noble ( du cuir ou du lin). Et puis il y a une voix. Veloutée, douce, caractéristique… Qu’on reconnaît et qui plaît. Sa voix justement, elle fait partie de son métier. Il en joue, il la soigne, il la lustre comme un bibelot auquel on tient.
Je ne suis pas certaine qu’il aime le mot « bibelot ».
Au quotidien, il s’occupe avec le même intérêt d’un miroir terne, d’une commode louis xv, de vieux livres défraîchis. La liste des objets qu’il a vus au cours de son existence doit se rapprocher de l’infini. Il s’occupe des objets, parce qu’il les aime. Certains métiers prennent soin des gens, d’autres prennent soin des objets. Mais les objets appartiennent à des gens, alors… C’est presque pareil, vous ne croyez pas ?
Il s’occupe des existences, des souvenirs qu’on entasse, des mémoires dont on ne veut plus. Pour moi, son métier, commissaire-priseur, pourrait aussi s’appeler « passeur d’histoires » Il fait résonner son marteau en salle de ventes d’un coup sec. Il frappe. Une fois, deux fois, trois fois… Le suspense est à son comble et une main se lève encore dans la salle. C’est un spectacle, c’est une audience. Il tient les gens à son marteau, le public l’écoute. Il relance, il sourit, il clot. À le voir et à l’entendre, c’est un bon bretteur. Le charisme comme épée, sa bataille concerne tous les objets.
De cette personne, j’ai retenu une leçon. Celle d’utiliser les objets. Parce qu’un service à thé de luxe, une belle bouteille, un meuble qu’on a peur d’abîmer… C’est bien dommage quand la vie passe. Les objets sont vendus, legués et parfois oubliés. On se dit qu’on boira cette bouteille un jour, on se le dit, mais quelle occasion sera assez grande ? L’humain ne profite pas assez des grandes petites occasions. Et plus que jamais, je crois, il faut les faire vivre. Les occasions et les objets.
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